L'exposition Sculpter le monde a occupé les locaux du LaM, Lille Métropole Musée d’Art Moderne, d’Art Contemporain et d’Art Brut, du 15 mars au 2 juillet 2023. Cette exposition, première rétrospective de Noguchi en France, entremêle les arts, du design à la céramique, en passant par la chorégraphie, dans un parcours unique et nourri par la curiosité de l’artiste pour le monde et l’être humain. Les visiteurs sont invités à parcourir le Musée et à contempler plus de 250 œuvres, témoignant toutes de diverses expérimentations dans de nombreux domaines – faisant d’Isamu Noguchi une figure de l’artiste total – ainsi que de l’influence des pays qu’il a traversés et des personnes qu’il a rencontrées au cours de sa vie.

Un panorama des œuvres

L’exposition est d’une ampleur fascinante. Nous voilà confrontés à une multitude d’œuvres, ce qui permet de rendre compte de la globalité du travail d’Isamu Noguchi, en balayant l’ensemble des thématiques qu’il a pu aborder durant sa carrière et en offrant ponctuellement des points d’ancrage historiques. En effet, l’exposition s’accompagne d’une documentation sur la vie de l’artiste, offrant un contexte essentiel pour comprendre son travail. Des photographies et des vidéos nous donnent l’opportunité d’entrer dans l’univers mental de l’artiste, permettant ainsi de saisir ses motivations et d’apprécier la profondeur de sa démarche artistique.

Cette rétrospective dévoile la diversité des médiums et des styles qu’Isamu Noguchi a explorés au fil de sa carrière : sculptures en pierre ou en bois, esquisses et dessins mais surtout les célèbres lampes en papier Akari, nous transportant dans un univers imaginaire, chaleureux et intrigant. Le visiteur peut s’intéresser à l’une ou l’autre de ces œuvres : chacune est différente et comporte un aspect particulier, tant sur le plan de la texture, du matériau utilisé que sur le plan esthétique. Ce qui a sans doute été le plus marquant était le travail issu de la collaboration avec la célèbre danseuse et chorégraphe, l’une des plus innovantes du XX^e siècle, Martha Graham. Figure de proue de la Modern Dance, courant né en réaction au ballet classique jugé trop élitiste, elle développe un style unique en résonnance avec les mouvements artistiques de l’art moderne et en lien avec des thématiques issues de la mythologie antique. La chorégraphe explique : « sans Isamu Noguchi, je n’aurais rien pu faire. Il m’a fait ressentir ce qu’est un espace habité. Il m’a toujours donné quelque chose qui vivait sur scène, comme un autre personnage, comme un autre danseur. » En effet, lors de cette collaboration, Noguchi a développé, avec la scène, une relation qui l’a conduit à inventer une nouvelle poétique de l’espace, où la sculpture s’affranchit de son statut d’objet pour devenir, non pas un décor, mais un environnement sensible, activé par le corps et la pensée des danseurs et des spectateurs. Martha Graham utilisait alors ces sculptures comme outils symboliques et gestuels, devenant une véritable extension de son corps. Ainsi, les formes avant-gardistes des sculptures d’Isamu Noguchi et le langage chorégraphique de Martha Graham créent un mélange harmonieux, fascinant et remarquable.

Une promenade dans l’espace

La scénographie de l’exposition permet de circuler entre les œuvres, nous donnant ainsi la chance de pouvoir s’en approcher et faisant de cette visite un véritable voyage au cœur du travail d’Isamu Noguchi. En se plaçant tout près des œuvres, on comprend la démarche de l’artiste, qui nous révèle ses expérimentations de façon plus intime, en abolissant toutes les barrières que nous retrouvons souvent dans de grands Musées d’Art classiques.

Tout s’organise de manière chronologique et thématique, ce qui permet de suivre l’évolution de l’œuvre de l’artiste et de mettre en lumière les différentes facettes de sa création. Les jeux de lumière, présents au sein même de l’exposition, sont assez originaux. Chaque pièce adopte une lumière particulière, qui met en avant l’œuvre de Noguchi et nous plonge dans un espace chaleureux, doux, ressemblant à un petit cocon. Nous sommes ainsi immergés dans différentes ambiances, différentes atmosphères, accompagnant notre exploration dans l’enceinte du musée. À chaque salle, c’est un nouvel espace qui s’ouvre à nous, dans lequel nous découvrons quelque chose de nouveau, tant sur le plan des œuvres présentées qu’en termes de scénographie.

Le seul défaut, bien qu’insignifiant, de cette exposition, concerne la signalétique, qui n’est pas toujours visible : elle peut être écrite sur le mur ou même à terre, avec une police très petite et discrète. Cependant, cela nous laisse libre choix quant à notre parcours. Il s’agit bel et bien d’un défaut pour certains mais qui peut devenir un grand avantage pour d’autres !

Une expérience riche en tous points

Le LaM permet même de faire une halte dans les boutiques, dont l’une est entièrement consacrée à l’exposition temporaire. De nombreux produits sont proposés : livres, cartes, décorations, toujours dans cet éclairage doux et chaleureux. La boutique s’ouvre comme un prolongement à la visite ; on est encore baigné dans l’ambiance du travail de l’artiste. Il n’y a pas ce côté commercial qui incite à acheter et qui peut être présent dans d’autres musées : ici, le caractère muséal se retrouve aussi dans la boutique.

Ainsi, l’exposition Sculpter le monde est une expérience visuelle et conceptuelle captivante, offrant une immersion profonde dans l’univers artistique d’Isamu Noguchi, qui invite le spectateur à plonger dans son imaginaire, à travers une variété d’œuvres impressionnantes. C’est une exposition qui transporte, qui offre une occasion unique de découvrir l’œuvre foisonnante de cet artiste majeur du XX^e siècle. Tout est pensé pour satisfaire le visiteur et pour l’accueillir dans un véritable lieu de vie et de dialogue.