Tahar Rahim, l’acteur qui réinvente le biopic

Julie Labouré, janvier 2025

Dans le rôle éponyme du film Monsieur Aznavour, Tahar Rahim donne un nouvel éclat au genre du biopic. Portrait d’un acteur qui bouscule les codes.

Lorsqu’il s’agit de choisir et interpréter ses rôles, Tahar Rahim a toujours pris soin de se tenir loin des lieux communs. Avec la sortie du film Monsieur Aznavour, où il incarne le légendaire chanteur Arménien, l’acteur Français prouve une fois de plus qu’il n’est pas là pour livrer des performances formatées. Ce faisant, il apporte une vision en contrepied du film biographique classique.

Narration chronologique, scènes phares reconstituées avec précision, volonté de reconstituer la totalité de la vie du personnage : le genre du biopic se base depuis des décennies sur un certain nombre de codes et de règles à suivre. Par conséquent, les films qui en découlent sont souvent perçus comme des descriptions biographiques sans nuance. Par son approche intuitive et personnelle, Tahar Rahim renverse justement ces conventions en décidant d’incarner Aznavour plutôt que de l’imiter.

S’immerger dans le personnage

Cette manière de vivre la vie des personnages n’est pas nouvelle pour Tahar Rahim. Sa volonté de refuser la caricature fait écho à la série Le serpent ou il jouait le tueur en série Charles Sobhraj. L’acteur a usé de ses propres techniques : s’imprégner de la psychologie du personnage plutôt que de se restreindre à un alignement de faits. Cette démarche confère à son interprétation une humanité troublante, presque dérangeante, qui a permis de donner une tout autre dimension à l’histoire. En tueur en série ou chanteur star, Tahar Rahim ne se contente pas de copier l’homme mais plutôt de comprendre qui il est. C’est la tout le génie du film Monsieur Aznavour : ne pas réduire la vie du chanteur à une série de moments iconiques, mais au contraire, comprendre l’homme derrière la légende en utilisant ses failles et ses doutes.

Tahar Rahim a de plus montré une autre facette de sa singularité en utilisant la musique du chanteur comme une véritable boussole intérieure. Il s’est plongé dans les paroles des chansons afin d’en sortir les émotions qui se cachaient entre les mots. De ce fait, il n’a pas seulement imité la voix ou les gestes d’Aznavour mais il a réinterprété ce que le chanteur véhiculait à travers eux. Chaque chanson et chaque parole deviennent autant de clés pour entrer dans le film.

Le minimalisme engagé

Le jeu de Tahar Rahim est également marqué par un minimalisme expressif. L’utilisation qu’il fait des silences et des regards lui permet de traduire chez ses personnages un monde intérieur riche, préférant ainsi la suggestion à la démonstration pure et dure. L’engagement physique et émotionnel est aussi une spécialité que l’on connait à Tahar Rahim. Que ce soit pour le tournage de Monsieur Aznavour où il a perdu beaucoup de poids et a travaillé sa voix ainsi que le piano, ou bien pour Le Mauritanien quand il a suivi un régime drastique et passé des heures à étudier les interrogatoires de son personnage, Tahar Rahim ne semble pas se cantonner à de simples détails.

L’acteur se démarque également des autres en réussissant à travailler avec des scénarios et des narrations fragmentées. Les récits des films dans lesquels il apparaît ne sont jamais linéaires. Dans Monsieur Aznavour par exemple, le biopic croise des moments intimes et des moments publics, préférant une sorte de puzzle de souvenirs à une histoire très chronologique qui se contenterai de relater la vie du chanteur, de ses débuts de jeune artiste à sa consécration finale. À travers son interprétation, Tahar Rahim redéfinit le biopic comme un outil d’exploration plutôt qu’une simple histoire linéaire.

Réinvention du genre

Cette petite révolution doit aussi beaucoup au travail des réalisateurs Mehdi Idir et Grand Corps Malade. Après Patients et La Vie scolaire, ces derniers ont réussi avec brio leur transition vers un tout autre genre de film, qui initialement, s’avérait plus compliqué que les précédents. En choisissant Tahar Rahim comme acteur principal, et son jeu plutôt ambitieux, ils ont pu reconstituer avec émotion la vie d’Aznavour.

Car, transcendé par les personnages qu’il incarne, Tahar Rahim transforme la biographie en une expérience sensible. L’acteur ne s’efface pas derrière le rôle mais y cherche une résonnance personnelle qui nous touche plus directement. Et grâce à son travail, le biopic n’est plus un genre figé.

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