Raphaël Quenard : nouvelle coqueluche du cinéma
Lou Patissier, janvier 2025
Gagnant du César de la meilleure révélation masculine de 2024 pour Chien de la Casse, l’acteur au phrasé peu commun et à la personnalité marginale est devenu, en l’espace de cette soirée de février dernier, une nouvelle figure adulée du cinéma français. Pleins feux sur Raphaël Quenard
Humour décalé, élocution à la fois admirable et à dormir debout, sourire charmeur, accent de provenance grenobloise qui fait l’objet de mille débats… tels sont les ingrédients qui caractérisent l’acteur Raphaël Quenard, devenu en un temps record une figure iconique du cinéma français. Son succès a explosé dernièrement, notamment grâce au film Chien de la Casse, pour lequel Raphaël Quenard remporte le César 2024 de la meilleure révélation masculine.
À la recherche de théâtralité
Le parcours de Raphaël Quenard est aussi atypique, original, ardu et alambiqué que sa personnalité. Avant d’être ce jeune acteur brillant, il a touché à (presque) tout. Après l’obtention de son bac Scientifique, désireux de suivre les pas de son grand-père, il entre à l’École des Pupilles de l’Air de Grenoble en Isère, où il fait une classe préparatoire pour les grandes écoles de l’armée. Mais il va vite se lasser de la rigueur et de la discipline militaire. D’autant plus lorsqu’il est mis en garde par un des sergents-chefs : « Quenard, si tu restes là, je vais te faire la misère ».
À l’École Nationale Supérieure de Chimie de Paris, où il bifurque, il devient assistant de recherche en électro-chimie, il y a maintenant dix ans. Réalisant que la science ne lui procure aucune animation ou émotion, il se tourne vers le monde politique, où il espère assouvir son envie de théâtralité et son goût du spectacle. Pendant quelques mois, il sera l’assistant parlementaire d’une députée de Savoie, avant d’en ressortir déçu comme ses deux expériences précédentes. C’est alors qu’il joue sa dernière carte : il se tourne vers une carrière de comédien.
La gloire, enfin
Il se forme en suivant gratuitement les cours du professeur d’art dramatique Jean-Laurent Cochet à Paris et en jouant dans de nombreux courts métrages amateurs, puis il écume les rôles secondaires dans plusieurs films et une nuée de courts métrages. En 2023, Raphaël Quenard s’impose au grand écran, en interprétant le personnage ambivalent de Miralès dans Chien de la Casse, réalisé en 2023 par Jean-Baptiste Durand. La même année, il fait ses preuves dans Yannick, où il joue un gardien de nuit imprévisible qui prend en otage les spectateurs et les acteurs d’une mauvaise pièce de théâtre, afin de réécrire et améliorer la pièce à sa sauce. Depuis, tout s’accélère : il défend sa place dans des films à succès et grand public, comme dans L’amour ouf de Gilles Lellouche où il joue aux côtés de François Civil et Adèle Exarchopoulos, jeunes figures dominantes du cinéma français.
Les coups durs du commencement
Pourtant, que ce soit sur le grand ou le petit écran, les débuts de Raphaël Quenard n’ont pas été immédiatement triomphants. Au contraire, sa patience a été mise à rude épreuve et l’acteur a d’abord connu plus de bas que de hauts. Comme cette fois où, après avoir passé les six tours de casting pour un téléfilm, il fait deux heures de RER pour venir au tournage, et finit par s’endormir sur le carrelage de la salle de bain à force d’attendre. L’un des membres de la production le réveille finalement pour lui annoncer qu’il ne va pas tourner sa scène le jour même. Il repart bredouille. Heureusement, Quenard n’a pas baissé les bras et ne manque jamais de remercier son frère et sa sœur, deux soutiens indéfectibles de son parcours.
Hyperactif, inlassablement
Ses rôles au cinéma, puisqu’il a désormais le luxe et l’opportunité de les choisir, Raphaël Quenard ne les sélectionne pas nécessairement en fonction du type de personnage, de sa classe sociale ou même de sa morale : « moi, ce qui me fascine, c’est le cinéma que contient la trajectoire du personnage » dit-il dans le média Brut. En d’autres termes, Quenard a un intérêt particulier pour le caractère romanesque et la trajectoire des personnages. Il est aussi séduit par certaines personnalités de réalisateurs qui optent pour des choix artistiques audacieux.
Toutefois, le jeune acteur n’oublie jamais d’ajouter sa touche personnelle aux œuvres. Il met un point d’honneur au fait de « donner du cœur et des viscères » à ses interprétations. Raphaël Quenard se révèle aussi talentueux qu’infatigable dans son travail au quotidien. « Raph, j’ai l’impression qu’il travaille 28 heures sur 24 » révèle Jean-Baptiste Durand, ami de Quenard et réalisateur de Chien de la casse. Le jeune acteur explique lui-même que lors des tournages, il fait tout pour être à un niveau d’investissement maximal, physique comme mental. Une de ses astuces pour se concentrer, c’est de faire le poirier (occasionnellement, bien sûr !) juste avant une scène, pour ne plus penser à rien.
Cabotinage 2.0
Porté par son ascension fulgurante, Quenard n’a pas froid aux yeux et ose rêver à un avenir glorieux dans le métier d’acteur. Il est d’ailleurs admiratif de ses brillants contemporains qui se sont imposés au cinéma : « Je suis fasciné par des artistes qui ont accompli une œuvre tellement majestueuse, tellement grande, qu’on retient comme une signature, un ADN, comme un peintre peut le faire avec un style qu’il aurait déterminé… ». Parmi les acteurs ou comédiens qu’il adore, Quenard cite notamment le comique Louis de Funès, véritable figure phare du 7e art qui provoque chez lui un émerveillement inépuisable. Selon lui, de Funès « a révolutionné le jeu d’acteur » et il le désigne comme « l’excellence, la rolex du cabotinage ». Il entend par là un jeu d’acteur au comique théâtral et burlesque.
Alors Quenard prend-t-il de Louis de Funès comme modèle pour son propre jeu d’acteur ? De toute évidence, comme l’icône, Raphaël Quenard ne peut jamais rester sérieux et en place très longtemps. Et il est, lui aussi, doté d’une théâtralité comique qui ressort aussi bien dans son jeu que dans ses discours. Il reconnaît, lors d’un entretien sur Brut, qu’il aime se faire remarquer lors des prises et des tournages et qu’il peut parfois en faire trop, comme dans la série délirante Family Business sur Netflix, qu’il performe aux côtés de Jonathan Cohen. À rebours de sa propre attitude, il tire alors une leçon d’acting : « L’inaction peut être tout aussi pertinente et puissante que des petites mécaniques de cabot… » Avant de s’empresser d’ajouter avec un sourire narquois : « Même si c’est bien de cabotiner ! ».