Avec son nouvel album, Barbara Pravi part en quête de ses origines
Lisa Lavigne, janvier 2025
Barbara Pravi, chanteuse française propulsée par sa performance lors de l’Eurovision en 2021, sortait son deuxième album La Pieva en septembre dernier. Un nouvel opus qui entend retrouver les liens avec ses origines serbes.
Elle arbore un physique qui ne s’oublie pas. Cheveux courts, bouclés. Un visage anguleux qui rappelle ceux que l’on trouve dans l’Est, en Serbie. « Je m’appelle Barbara, je suis parolière, musicienne, chanteuse », c’est ce que la future célèbre chanteuse dévoile lors d’une conférence de 2020 qui débute par : « À tous ceux qui comme moi… ». Par tous ceux qui sont comme elle, il faut entendre : se jeter dans le vide, prendre des risques pour enfin voler de ses propres ailes. Elle sortira à ce titre son premier album On n’enferme pas les oiseaux, à l’été 2021, ce qui l’a par la suite amenée à se produire sur des scènes internationales, des Pays-Bas jusqu’en République Démocratique du Congo pour la cérémonie d’ouverture des Jeux de la francophonie en 2023. Toutefois, après sa tournée de plus de 150 dates, l’artiste de 31 ans connait un vide. Une profonde remise en question s’impose alors, qui passe par une plongée dans l’origine de son succès.
Premières victoires
Découverte dans le spectacle musical Un été 44 il y a près de dix ans, elle marque les esprits lors du final où elle interprète « Seulement connu de Dieu » de Claude Lemesle et Charles Aznavour. Le 8 mars 2019, elle rendait hommage aux femmes au travers d’une réécriture de « Notes pour trop tard » du rappeur Orelsan, qu’elle remixe en mashup avec l’un de ses titres, « Le Malamour », dont les droits de la version intégrale seront reversés à La Maison des femmes, association qui accueille les victimes de violences physiques, psychologiques, sexuelles, conjugales. Ses engagements et ses combats féministes deviennent la matière de ses contes qu’elle met en chanson.
Barbara Pravi affirme son versant politisé, qui transparaît dans le style intimiste qu’elle se donne. « Quand je n’ai rien à dire, je ne dis rien, mais quand je ne suis pas d’accord, c’est important pour moi de m’exprimer », affirme-t-elle lors d’un entretien pour 20 Minutes. Ainsi, l’artiste publie chaque 8 mars un projet en lien avec le droit des femmes, dont on peut citer les morceaux « Lève-toi » ou « Marianne ». 2019 n’était donc pas une exception. Elle est ensuite propulsée sur la scène de l’Eurovision en 2021 où elle remporte la deuxième place grâce à son titre « Voilà », qui lui vaut un succès international – on compte 100 000 000 de streams sur les plateformes de musique.
Repenser la musique par le biais de l’écriture
Si l’approche par l’écriture s’avère fructueuse pour son premier album, La Pieva requiert un changement de perspective et un renouvellement dans l’inspiration. Elle confie que jusqu’alors, l’écriture représentait pour elle « des moyens de raconter des choses, peut-être de me guérir de certaines choses, mettre des mots sur des trucs que je ne comprends pas. C’est hyper thérapeutique en fait ». Mais à l’issue de ce premier succès, elle doute : « Je n’arriverais plus jamais à écrire. Je ne savais même pas quelle musique j’avais envie de faire ».
La désillusion est de mise, « le succès change les rapports entre les gens » dit-elle. Elle prend alors des décisions drastiques. D’abord : se retrouver en changeant la façon de travailler, se reconnectant avec ses premiers balbutiements musicaux. « La professionnalisation, le fait d’avoir donné plein de concerts, d’avoir été médiatisée, m’a fait perdre le sens premier de la musique » raconte-t-elle. « Or, c’est de la pure et simple joie. C’est de l’expression de soi et cela ne doit pas être une pénitence. » Ensuite : reconstituer une équipe, seulement après avoir conçu seule ce difficile second album.
Ainsi naît La Pieva
« C’est la chanteuse en serbe » explique Barbara Pravi. Si c’est le nom qu’elle choisit de donner à l’album de 2024, il s’agit en réalité d’une référence à son aïeule qui chantait de villages en villages, vivant dans une roulotte et surnommée par ses pairs « la Pieva ». La chanteuse, donc. Connue pour sa voix, la Pieva n’appartenait à personne et à aucune terre. Barbara Pravi connaît son histoire pour l’avoir entendu dans sa famille et y voit le signe du destin, suivant elle-même un chemin similaire au sien.
« Je suis comme cette femme-là : une conteuse », avance-t-elle. Et continue : « Quand je suis en concert, j’ai vraiment l’impression de faire un spectacle dans le sens où je raconte beaucoup d’histoires. » Peut-être y-a-t-il un lien entre l’indépendance de son ancêtre et la sienne, qu’elle exhibe dans les choix de ses sujets, de ses titres, de ses combats – liberté, amour et féminisme, entre autres. En 2023, Barbara Pravi est ainsi repartie en Serbie sur les traces de sa famille et retournée sur les lieux de cet héritage, accompagnée par son grand-père, « deda » en serbe. Elle a pu se rendre sur la tombe de la chanteuse, et toute narration est devenue tangible. « Chez moi on parle avec le cœur » : ce que la conteuse avait écrit seule dans sa chanson éponyme de l’album La Pieva était, de fait, réalité.