Adrien Fillon, journaliste en herbe de La Montagne
Léo Hamel, janvier 2025
Originaire de Cours-La-Ville dans le département du Rhône, Adrien Fillon travaille pour le média La Montagne, implanté à Clermont-Ferrand. Après l’obtention de son baccalauréat puis des études de langue dans le but de devenir traducteur, Adrien Fillon se réoriente vers le journalisme à l’école de Lille. Avec sa carrière éclair, il a fait de son jeune âge de 22 ans un atout pour développer un point de vue totalement neuf sur sa profession. « Le journalisme, c’est partir de faits d’actualités pour rendre compte de la société, mais c’est surtout donner la parole au plus de monde possible » avance-t-il en guise de définition.
Cela fait quelques mois que vous avez intégré le milieu du journalisme, cela a-t-il toujours été le seul et unique but de votre parcours professionnel ?
Absolument pas [rires] ! J’ai eu beaucoup d’idées de métiers au fil de ma scolarité, à une période je voulais même devenir vétérinaire. J’ai également voulu devenir traducteur, c’est pour cela que j’ai fait une licence d’anglais. Le journalisme m’est venu récemment, ce n’est pas du tout un rêve de gosse ou quelque chose qui a été toujours évident pour moi. J’ai toujours eu de l’intérêt pour la photo donc c’était une idée intéressante pour moi, de pouvoir travailler dans ce milieu.
Le fait que vous soyez à l’aise avec l’écriture mais également avec la photographie, est un véritable atout. Ces deux éléments prennent-ils tout leur sens aujourd’hui dans votre profession ?
Totalement ! C’est vraiment un avantage, une richesse et c’est réellement intéressant pour tout le monde. Cela permet par exemple de dégager du temps pour les photographes. En plus, je pense souvent mes sujets en amont en considérant l’accompagnement de mes photos. C’est-à-dire que je prends des photos dans les lieux et qu’ensuite j’obtiens des idées d’écriture que mes photos permettent d’illustrer. Je suis totalement indépendant et je maîtrise le travail d’un bout à l’autre. Le lien entre le texte et la photo est alors une évidence.
Comment abordez-vous la question de l’objectivité en tant que journaliste ?
C’est vraiment très compliqué. Il faut vraiment essayer de ne pas donner son avis mais c’est complexe parce qu’on doit également choisir un angle qui doit intéresser d’abord le lecteur avant soi-même. D’autant plus que cela dépend aussi de la ligne éditoriale de la maison. En fait, il faut écrire et penser avant tout pour le lecteur et essayer de se détacher un maximum de ses propres opinions ou préférences même si concrètement, on ne peut pas écrire sur des sujets qu’on ne maîtrise pas ou sur lesquels on ne porte pas un minimum notre attention.
Comment organisez-vous votre temps de travail et votre vie personnelle ? Estimez-vous que votre investissement doive être quotidien ?
Officiellement, mon contrat indique que je fais 35 heures par semaine. Mais comme je prends beaucoup de retard c’est assez fréquent que je retravaille chez moi le soir et bien souvent j’effectue mes recherches de sujets en dehors du temps rémunéré. Ce qui est bien c’est que je peux gérer mon calendrier comme je veux, je n’ai pas de pression et l’ambiance est assez cool sur ce niveau-là. On a d’ailleurs un agenda commun, qui indique jour par jour, qui travaille sur quoi. On gère également notre communication, trouver nos contacts, gérer nos disponibilités pour les rencontres. On est vraiment en autonomie totale de A à Z, on met nous-même en page notre article par exemple, ça prend plus de temps mais je trouve que le résultat final est plus dynamique et c’est très gratifiant.
Comment trouvez-vous vos sujets ?
J’arrive personnellement à me détacher des sujets imposés et généralement la plupart de ceux que nous choisissons nous-même dans l’équipe sont acceptés. Pour en trouver, je passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, Facebook ou X, ex-Twitter, pour prendre connaissance de faits, d’actualités. Il faut vraiment rester à l’affût.
Vous avez forgé votre propre style d’écriture à travers vos textes. Avez-vous une méthode lorsque vous écrivez ? Que ce soit pour l’inspiration ou même le rythme.
Oui, aujourd’hui j’ai réussi à trouver mon style, mais ça a pris beaucoup de temps. Je m’efforce d’utiliser des phrases courtes et concises et j’essaye de transmettre une information dans chacune de mes phrases. Je m’inspire beaucoup des autres, j’essaye d’imiter un style direct presque oralisé. J’écris d’abord comme ça me vient, puis, je me relis, je simplifie, je chasse les propositions relatives. Je suis très vigilant pendant cette phase-là. J’ai vraiment plaisir à écrire et à rendre intéressant un sujet banal du quotidien. En journalisme on parle de « papier de correspondance », pour définir un type de texte très factuel et brut qui a souvent trait à ces sujets. C’est à tout prix ce que j’évite de faire, pour que ce soit agréable à lire.
De plus en plus de lecteurs optent pour des formats numériques, plus pratiques et accessibles. Qu’est-ce que change la mise en ligne sur votre site en comparaison avec une édition papier ?
En effet, écrire pour le papier c’est plus difficile, et beaucoup plus long, que de publier un article directement sur le site. Le format numérique est plus pratique et moins cher, la rémunération se fait grâce aux abonnements et à la publicité. Chez nous, c’est d’ailleurs le rédacteur de l’article qui décide si son article en ligne apparaît payant ou gratuit.
À ce propos, comment percevez-vous l’intelligence artificielle au sein de votre fonction ? Est-ce pour vous une aide ou plutôt une contrainte ?
Je ne le vois ni comme un ennemi ni comme un ami. J’espère que ça ne nous remplacera pas, parce que notre métier nécessite cette forme d’individualité et surtout de sensibilité. C’est vrai que c’est un outil assez pratique dans certains cas bien précis, comme pour les brainstormings ou encore pour la correction de texte, mais personnellement ce n’est pas vraiment quelque chose que j’utilise beaucoup. À ce propos le SNJ, le syndicat national du journalisme, nous a déjà mis en alerte contre l’IA et ses dangers, c’est quelque dont nous avons officiellement conscience dans notre métier.
Le secteur du journalisme est-il selon vous en crise ?
C’est un milieu incertain, bouché pour les nouveaux arrivants, avec beaucoup de burn-out, et le salaire est assez mauvais. La façon dont les gens nous font confiance est aussi importante, il y a toujours des personnes qui ne sont pas d’accord avec nos intentions. Aujourd’hui de plus en plus s’informent avec des médias qui détournent les infos ou via des personnes qui se font passer pour des journalistes. C’est vraiment regrettable parce que cela amoindri notre légitimité et notre pouvoir : celui de transmettre les informations. La crise se perçoit également dans le choix des sujets. Par exemple, nous sommes un journal local qui a pourtant tendance à vouloir s’ouvrir aux faits nationaux. Je trouve ça dommage puisque qu’on délaisse notre identité au profit d’un élargissement de notre lectorat. C’est le problème actuel de la presse régionale. En revanche, elle reste encore en première ligne pour traiter précisément des sujets sociaux importants, directement sur le terrain.