Nouvelle mythologie, par Aya Takano

Maëlie Saby, décembre 2023

Vue de l’exposition (@AYA TAKANO/Kaikai Kiki Co., Ltd. All Rights Reserved)

Depuis le 22 septembre 2023 jusqu’au 7 janvier 2024, le musée d’Art contemporain de Lyon accueille trois expositions. Au deuxième étage, le spectateur se retrouve dans un univers pop et coloré.

Le travail de cette artiste japonaise s’inscrit dans le mouvement superflat. Aya Takano présente un univers fantastique, produit de son imagination, où les formes étranges et diverses semblent flotter, comme défiant la gravité. Son style pictural particulier se manifeste dès ses premières œuvres de jeunesse, qui laissent voir une identité artistique et une grande sensibilité, avec des silhouettes de personnages allongées, dont le genre et l’âge sont difficiles à identifier. Aya Takano s’exprime à travers différents médiums tels que des dessins, peintures, tapisseries, et sculptures. L’exposition reflète l’histoire de l’artiste, divisé en deux parties, chaque côté ayant sa propre couleur, apportant une harmonie supplémentaire entre les œuvres, tout en modifiant la perception. Ses principales inspirations proviennent des sciences naturelles, de la science-fiction et des phénomènes surnaturels. Baignant dans les livres et les mangas de son père tel qu’AstroBoy d’Osamu Tezuka ou Phoenix, l’oiseau de feu, elle utilise l’art et la science-fiction comme moyen d’atteindre un idéal au-delà des possibilités terrestres. Certaines des œuvres ont été spécialement créées pour l’exposition, qui regroupe 150 travaux. Aya Takano dévoile pour la première fois au public ses œuvres les plus anciennes remontent à l’âge de 12 ans. L’artiste de 46 ans offre une rétrospective de son œuvre, qui promet encore beaucoup d’avenir.

Une scénographie au cœur de la lecture de l’œuvre

La première salle d’exposition est peinte en bleu nuit. Quatre petites maisons servent d’espace d’exposition, chacune de taille et de format différent, faisant référence à des thèmes de la vie d’Aya Takano : l’enfance, la science-fiction, l’amour et la ville. Aucune œuvre n’est décrite ; un seul cartel indique les titres et les techniques des œuvres de gauche à droite, préservant la pureté de l’espace d’exposition. L’univers et le vécu de l’artiste sont représentés dans chaque maison, rappelant celles des Poly Pocket ; de plus, la forme de la maison renvoie aux œuvres qu’elle contient. Libre au spectateur de commencer par l’univers qu’il souhaite.

En traversant une impression sur tissus de l’œuvre May All Things Dissolve in the Ocean of Bliss [Traduction : Que Toutes les Choses se Dissolvent dans l’Océan de la félicité. Huile sur toile, 2014], nous accédons à la deuxième partie de l’exposition, marquant un tournant dans le travail de l’artiste tant au niveau des sujets représentés que de la technique. La scénographie, totalement différente, transforme les murs de la nuit en un immense lever de soleil sur le nouveau monde créé par l’artiste. À partir de 2011, à la suite d’un traumatisme causé par la catastrophe de Fukushima, sa création est plus éthique et proche de la nature, changeant sa technique pour peindre à l’huile ce qui est moins polluant. La ville et la mer se rencontrent, comme ce fut le cas lors du tsunami. Des tableaux sont suspendus, l’espace est plus ouvert et respire, le spectateur peut déambuler au milieu des œuvres, mais aussi s’installer et contempler les œuvres sur des poufs à l’effigie d’animaux marins. Son œuvre s’inspire de sa vie, des lieux qu’elle visite, des rencontres qu’elle fait. Du fantasme, nous passons au spirituel, à l’élaboration d’un nouveau monde, d’une nouvelle mythologie.

Une exposition riche et colorée

Grâce au travail de l’artiste, le spectateur découvre différents supports (papier, toile, carton) et représentation picturale telle que des autoportraits, des dessins abstraits, ainsi que des essais de manga comme Spaceship EE publié en 2002. La création représente pour elle une échappatoire. Aya Takano crée son propre monde parallèle, où les êtres vivants coexistent harmonieusement. Dans son travail il y a une esthétique très colorée, qui apporte de la joie ; les émotions semblent jaillir des corps, créant une fiction poétique tout autour de l’univers. Ce qui est troublant dans le travail d’Aya Takano, ce sont les traits enfantins que gardent ses personnages, aux airs faussement naïfs. Se pose la question de la subjectivité : que disent ces corps ?

Nouvelles Mythologies allient les expériences passées et futures de l’artiste. Elle crée sa propre mythologie avec son vécu. L’exposition est une expérience pour le spectateur, invité à se questionner sur le monde dans lequel il vit. L’artiste présente la possibilité de redéfinir sa place dans le monde et son impact.

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