Franck Chalendard – Furtives. Peintures 2016-2023
Peindre pour revenir à l'essentiel

Célia Deschamps, décembre 2023

Né en 1966, en Haute-Loire, Franck Chalendard vit et travaille à Saint-Étienne. « Franck Chalendard peint. Il se veut et se déclare peintre. » (Ceysson & Bénétière). Celui-ci croit en un pouvoir unique d’expression du médium artistique qu’est la peinture, revendiquant la puissance émotionnelle et énergétique de la couleur. Artiste contemporain en perpétuel renouvèlement, Franck Chalendard fait la part belle à l’expérimentation dans sa pratique artistique. Chez Chalendard, l’espace de la toile s’efface pour accueillir les œuvres.

Peindre pour revenir à l’essentiel

L’exposition Furtives, à la galerie Ceysson & Bénétière de Saint-Etienne, regroupe une série de peintures réalisées par l’artiste entre 2016 et 2023 qui donnent clairement à voir ses expérimentations picturales. Entre exploration du vide, contraste entre transparence et opacité à travers des superpositions de couleurs et des collages de matériaux, Franck Chalendard exprime un attrait fort pour les matières, qui ne manque pas de déstabiliser l’œil du spectateur. L’art du motif, représentatif de l’histoire stéphanoise d’un savoir-faire textile et du design développé au fil des siècles, au cœur duquel l’artiste a évolué, lui est cher : il le fait apparaitre dans des formes dispatchées, irrégulières et de manière aléatoire sur ses toiles, dans un jeu de déconstruction pour mieux révéler la peinture.

Retrouver un état de nature, renouer avec les gestes premiers

L’influence du groupe Supports/Surfaces est centrale à sa recherche picturale, dissimulée pourtant sous la spontanéité apparente de ses toiles. « Le tableau est à regarder, pas seulement à penser1. » L’artiste balaye effectivement les conventions artistiques autour de la représentation : le spectateur l’aura compris, son intention n’est pas de représenter une réalité extérieure. Dès lors que ce dernier se sent lui-même libre dans sa contemplation des œuvres et sa déambulation dans l’espace de l’exposition, celui-ci comprend le seul projet de l’artiste : s’engager librement dans la peinture, pour la peinture. Difficile alors de ne pas le rapprocher du peintre contemporain et grand coloriste Claude Viallat, un des membres fondateurs du groupe Supports/Surfaces.

Comment peindre aujourd’hui ? Pourquoi peindre ? Qu’est-ce qu’une œuvre d’art ? Autant de questions posées par Franck Chalendard et ses toiles au spectateur lui-même qui, s’il les regarde bien, devine que celles-ci ne sont que matérialité, que « la peinture n’est que ça » : « objet dans le monde réel parmi les autres objets ». (Ibid.)

Traquer la présence de la peinture

De toute évidence, la seule limite que se donne l’artiste dans sa pratique artistique est la surface plane et délimitée du tableau sur laquelle il n’a pour but que de laisser surgir la peinture. Faire de la peinture en dehors de toutes limites, tel pourrait être le mantra favori de l’artiste qui utilise une multitude de moyens et de techniques dans sa peinture (outils, matériaux, gestes). Il ne semble pratiquer aucune autocensure : jeux et dialogues entre lignes discontinues et formes hybrides dans une surabondance de couleurs étonnent et captivent, sans aucun doute, les yeux du spectateur. Expérience directe et frontale, l’exposition de cette série de tableaux est une « présence » qui se meut en différentes formes.

« La peinture est présence. Il y a quelque chose d'archaïque, de brutal, de direct dans le geste de peindre, dans la trace. Je tiens à cette expérience, à ces décisions à prendre en direct « dans le mouillé » pendant le temps d'ouverture de la peinture, à ces traces de la main guidée par les pulsions du psychisme.(…) » (in Franck Chalendard, Collection Modernes, Ceysson Éditions d'Art, Saint-Étienne, 2016)

Le tableau : une expérience sensorielle

L’exposition Furtives est un univers en soi, dans lequel les peintures de Franck Chalendard – totalement ouvertes à l’interprétation de chacun – semblent susciter seulement des histoires de perceptions. En peintre « sensualiste », l’artiste invite le spectateur à une introspection sensorielle au fil de sa déambulation. Une présence, mais surtout une énergie, se déploie à travers des peintures que l’on pourrait qualifier de méditatives. Le spectateur est effectivement absorbé par les motifs et les couleurs qui s’entremêlent dans une simplicité apaisante. Le monde n’est plus que textures, sans aucune hiérarchie.

1 Citation issue d’un entretien avec Anne Favier, in Franck Chalendard, Collection Modernes, Ceysson Éditions d'Art, Saint-Étienne, 2016.

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