Chien 51 de Laurent Gaudé

Hamza, décembre 2022

Chien 51 est un polar écrit par Laurent Gaudé, qui nous fait voyager à travers une ville corrompue, aux côtés d’un enquêteur nostalgique d’une époque qui semble irréversiblement résolue.

Fort de la quarantaine, Zem Sparak, policier, débute une nouvelle affaire d’homicide mais se retrouve condamné à collaborer avec un autre agent de police. A travers l’enquête nous découvrons le quotidien des agents, de ces chiens comme les appellent les citoyens : leur ville appartient à une entreprise, GoldTex, qui délimite les espaces de vies en trois zones, l’une proche d’un bidonville, une semblable à ce que nous pouvons connaître et une dernière luxueuse où il fait très bon vivre. Pourtant, des trafics en tout genre traversent la ville et c’est l’un des plus sensibles que vont devoir résoudre nos enquêteurs, un trafic qui prend racines à la source du pouvoir : « C’est que le luxe exige d’être servi et qu’il y a une autorité plus haute que la police, une autorité face à laquelle leurs badges et leur fonction ne sont rien : celle de l’ordre établi. »

En parallèle de l’enquête nous est dévoilé des tranches du passé de Sparak. Ces souvenirs ont directement affaire avec l’entreprise qui possède la ville. Nous comprenons que ce n’est pas uniquement la ville qui est possédée par GoldTex mais des pays entiers, notamment la Grèce natale de notre enquêteur. Nous apprenons que ces accords se sont passés non sans violences et que l’ordre établi aujourd’hui est lui aussi le fruit d’une répression intensive : « Tu sais aussi que quand tu dis « pacifier », tu parles d’un pays qu’on a écrasé ? C’était comme la botte d’un flic sur la joue d’un manifestant, tu vois ? On écrase. Ça gueule, ça chiale, mais on écrase encore. Les rues ne se sont pas calmées toutes seules. Ça aussi, tu le sais ? Que GoldTex a dû envoyer les forces antiémeutes ? Et que ça a tapé pendant des mois ? ».

Mais pour une fois, ce chien a entre les mains le pouvoir de faire changer les choses. Et c’est là qu’est le tour de force de Laurent Gaudé, manier les histoires pour faire dialoguer les expériences sans tomber dans la fable moralisatrice ou nimbée de désespoir total. Nous comprenons les enjeux, nous comprenons les forces qui s’éveillent et les douleurs du passé, évitant un pathétique naïf au profit de la résilience d’un personnage.

Le livre de 280 pages dépeint à la fois des personnages forts de caractère, une société dans sa globalité et même ses mœurs, sans oublier l’intrigue qui a un rythme soutenu mais non hâtif. Peut-être le dénouement est-il le point faible du livre ? Entremêler une enquête policière et les enjeux qui lui sont propres, avec de la nuance pour esquiver les personnages manichéens, tout en proposant une profondeur par le biais des flash-backs déjà énoncés, peut-être est-ce un peu trop pour si peu de page ?

Néanmoins, Chien 51 vaut le détour d’une lecture attentive. L’histoire trouve facilement des échos dans notre réalité à travers divers domaines tels la drogue, la capitalisation des entreprises, la corruption, les révoltes, mais il n’y pas a pas de morale qui juge du bon et du pire. Nous sommes invités à nous infiltrer dans cette fiction afin, qu’en tant de lecteur, nous puissions prendre du recul sur notre monde à nous.

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